Le transport spatial traverse une période de mutation profonde qui contraint les opérateurs de lancements historiques à bien plus de réactivité qu’auparavant.
Dans ce contexte, le CNES et ArianeGroup réfléchissent à la génération des lanceurs qui succéderont à la famille Ariane 6. De façon à identifier les besoins et les moyens technologiques pour y répondre, ils ont créé ArianeWorks. Les explications de Jérôme Vila, fondateur et responsable d’ArianeWorks.
Découvrez Thémis. Démonstrateur de premier étage de fusée polyvalent, bas coût et réutilisable, c’est un maillon essentiel de la feuille de route des futures évolutions d’Ariane. Moins cher, évolutif, flexible, mettant à profit des innovations de l’écosystème Deeptech,
Thémis préfigure ce que pourraient être les futures générations de fusée Européennes.
Il s’agit du 1er projet assigné à ArianeWorks.
Programme Thémis
L’ESA fait le premier pas vers une démonstration en vol à partir de 2023 de Themis, un prototype de premier étage réutilisable de lanceur.
Le programme Themis fournira de précieuses informations sur l’intérêt économique de la réutilisation pour l’Europe et validera de nouvelles technologies en vue de leur usage potentiel sur de futurs lanceurs européens.
Themis a vu le jour suite aux décisions prises pendant Space19+, à l’avancée des technologies européennes pour la réutilisation et à une approche du développement plus agile et plus axée sur les coûts.
Le 15 décembre 2020, l’ESA a signé un contrat d’un montant de 33 millions d’euros pour la « Phase initiale de Themis » avec ArianeGroup, en France, qui en sera le maître d’œuvre. Cette première phase de Themis comprend la préparation des technologies du véhicule de vol, le banc de test et les essais de mise à feu statique à Vernon, en France. Elle comprend également la préparation du segment sol au Centre spatial d’Esrange situé à Kiruna, en Suède, pour les premiers « hop tests » — des vols à faible altitude —, ainsi que toute modification du véhicule de vol.
L’objectif de ce programme est d’effectuer des tests tôt dans le cycle de développement afin de valider des avancées technologiques qui accéléreront le développement et guideront la conception finale.
ArianeGroup et ses collaborateurs en Belgique, en Suisse, en France et en Suède offrent une expertise technique cruciale acquise lors du développement de Prometheus, le moteur européen nouvelle génération qui propulsera Themis.
Prometheus
Le moteur Prometheus de l’ESA est un moteur très polyvalent capable de fournir une poussée variable de 1000 kN ; il est également réallumable, et convient donc à la fois pour l’étage principal, les propulseurs et l’étage supérieur. Fonctionnalité cruciale pour la réutilisation, la gestion et la surveillance du moteur sont effectuées en temps réel par un ordinateur de bord.
Themis mesure 30m de hauteur et 3,5m de diamètre. Ce démonstrateur d’un premier étage emporte 130 tonnes d’oxygène liquide/méthane pour alimenter les trois moteurs Prometheus.
Les vols de test suborbitaux sont prévus à partir de 2023 au Port spatial de l’Europe situé à Kourou, en Guyane.
Deux sites d’atterrissage sont à l’étude: le site Diamant, utilisé pour des démonstrations expérimentales, ou l’ensemble de lancement Ariane 5, qui sera disponible lorsque la transition vers le lanceur de nouvelle génération Ariane 6 aura été effectuée.
« Themis va permettre de faire progresser des technologies essentielles et de démontrer des capacités de réutilisation en Europe. Themis va créer des options supplémentaires permettant de baisser le coût de l’accès à l’espace et d’accroitre la flexibilité européenne en matière d’offres de services de lancement, » commente Daniel Neuenschwander, directeur du transport spatial à l’ESA.
« Propulsé par le démonstrateur de moteur Prometheus, fonctionnant avec les couples d’ergols liquides oxygène-méthane ou oxygène-hydrogène, Themis devra permettre de valider et développer des solutions de lanceurs à très bas coûts, tout en contribuant à la transition énergétique vers une filière de lanceurs spatiaux écoresponsable. » ajoute André-Hubert Roussel, président d’ArianeGroup.
Les essais Thémis
Les essais Themis auront lieu sur le site de Vernon, puis au centre spatial Esrange à Kiruna (Suède) qui accueillera les premiers « bonds » du véhicule fin 2022.
Les premiers profils de vols suborbitaux sont prévus à Kourou (Guyane) entre 2023 et 2025. En parallèle, les équipes du Centre spatial guyanais ont débuté la réhabilitation du site de lancement Diamant de façon à l’adapter à Themis, Callisto ainsi qu’à de futurs petits et micro lanceurs qui n’existent pas encore sur le marché.
Pour l’heure, ArianeWorks compte un seul réservoir en phase de test mais « d’autres sont d’ores et déjà en préparation ». Chacun sera utilisé pour tester « différents paramètres de vols ou de validation technologique, comme de nouvelles idées de matériaux, des protections thermiques bas coût, ou encore l’architecture d’une baie multimoteur compacte ».
Thémis Roadmap 2020-2025 et +
Ariane Next…
Au-delà de la démonstration technologique, l’idée est d’« évaluer plusieurs utilisations possibles de Themis ». Plusieurs scénarios sont à l’étude. À partir de cet étage, ArianeWorks envisage de dériver une « capacité réutilisable de lancement pour des expériences de microgravité ou des petits satellites ». Themis pourrait aussi donner naissance à de « nouveaux boosters pour augmenter la performance d’Ariane 6 ». À la différence des actuels boosters, les P120 qui fonctionnent avec un carburant solide, le booster Themis utiliserait du carburant liquide. Autre voie à l’étude, « adapter Themis pour remplacer l’étage principal d’Ariane 6 » avec l’objectif de rester dans une gamme de « performance similaire mais avec une compétitivité renforcée ». Enfin, Themis pourrait donner naissance à une « nouvelle architecture de lanceur simple et sobre », couvrant un spectre large de missions avec seulement deux étages et une seule filière technologique de propulsion.
Au-delà d’Ariane Next, le Cnes se projette également sur un horizon plus lointain avec Ariane Ultimate, un concept prospectif guère envisagé avant l’horizon 2040, mais qui « marquera une véritable rupture technologique sur la propulsion, et par ricochet d’architecture des lanceurs ».
Alors qu’ArianeGroup s’apprête, en 2022, à mettre en production les premiers test de vols d’Ariane 6, l’Onera réfléchit déjà à la conception d’une Ariane 7. Son directeur espace, Jean-Claude Traineau, nous explique les voies qui sont explorées.
L’Onera, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, contribue à l’effort français et européen d’une capacité autonome d’accès à l’espace. Expert technique dans de nombreux domaines pour améliorer le fonctionnement des lanceurs spatiaux, le centre français de recherche aérospatiale, en lien étroit avec le CNES (le Centre national d’études spatiales), investit également dans la préparation des lanceurs du futur. Plusieurs voies sont explorées telles que les lanceurs semi réutilisables ou réutilisables.