Les galaxies primordiales se seraient-elles formées sans l’aide de la matière noire ?

La matière noire ne parvenant pas à expliquer la présence de grosses galaxies tôt dans l’Univers, une équipe d’astronomes propose tout simplement de s’en passer ! De quoi raviver le vif débat qui secoue la communauté des cosmologistes depuis des décennies…

Plus on regarde loin dans le passé, plus les galaxies devraient être petites et peu lumineuses. En tout cas, c’est ce que prévoient les théories postulant un Univers quadrillé par de la matière noire. Mais cela semble ne pas marcher : « Les théories avec matière noire échouent à prédire ce que nous observons, assène Stacy McGaugh, de l’université Case Western Reserve et qui vient de publier avec son équipe une étude à charge. On peut toujours essayer de bricoler un modèle de matière noire pour qu’il colle aux observations, mais c’est un peu comme des épicycles ! » Aussi, l’astronome propose d’utiliser une autre théorie nommée Mond et qui permettrait de former dans l’Univers jeune de grosses galaxies plus vite qu’avec la matière noire.

Une gravitation modifiée

L’hypothèse de la matière noire trouve son origine dans le fait que les étoiles loin du centre de leur galaxie tournent trop vite et devraient être éjectées. La matière noire est supposée régler ce problème en englobant les galaxies dans un halo dont la gravitation en retiendrait les étoiles. 

La théorie Mond, elle, tente de s’en passer. Son principe : au lieu de diminuer avec le carré de la distance, l’attraction gravitationnelle diminue moins vite aux grandes distances. Étant ainsi plus intense que prévu dans les régions externes des galaxies, la gravitation, elle aussi, retiendrait les étoiles.

Avec Mond, la construction d’une galaxie est quasiment monolithique et ainsi rapide. Considérons une région sphérique avec de la matière ordinaire dans un Univers en expansion.

Cette région grandit, et donc le rayon de la sphère avec elle. Plus cette distance est grande, moins la gravitation faiblit selon Mond. Et lorsque ce rayon atteint une taille critique, la gravitation l’emporte sur l’expansion. La matière de la sphère s’effondrerait alors sur elle-même pour former une grosse galaxie bien plus vite qu’avec de la matière noire.

Ce processus serait en accord avec la présence de galaxies lumineuses tôt dans l’Univers. « De nombreuses indications montrent déjà que Mond présente un pouvoir prédictif supérieur à celui du modèle standard de la cosmologie. La question est de savoir si la communauté va enfin le reconnaitre grâce à cette nouvelle prédiction de Mond », se demande Stacy McGaugh.

Des galaxies trompeuses

Son enthousiasme n’est pas forcément partagé. « On a déjà vu une galaxie évaluée avec un redshift de 7 par la photométrie, et donc loin de nous, à cause de la poussière qui la rougissait, là où la spectrométrie a fini par montrer qu’elle était bien plus proche avec un redshift de 2 », donne en exemple Ben Keller.

Stacy McGaugh réagit : « Cela peut arriver, mais c’est rare. La plupart des redshifts photométriques ont été confirmés par la spectroscopie. J’ai longtemps retardé la publication de nos travaux en attendant que ce problème soit résolu et c’est le cas. »

Un autre problème est lié à la formation des étoiles. « Si ces galaxies sont plus lumineuses que prévu à ces époques primitives, cela ne veut pas dire qu’elles soient massives. La relation entre masse et luminosité reste une question ouverte », tempère Rohan Naidu, du MIT, qui en a découvert quelques-unes de ces galaxies.

Intégrer la formation stellaire

Ben Keller confirme : « La matière noire et Mond font des prédictions sur la croissance de la masse d’une galaxie avec le temps. Mais on a besoin aussi de prendre en compte la physique du milieu interstellaire et la formation des étoiles pour savoir comment la luminosité d’une galaxie se traduit en masse, ce qui n’est pas le cas dans les travaux de Stacy McGaugh. »

Ce dernier n’est pas d’accord : « J’ai tenu compte que la formation des étoiles aurait pu être plus efficace dans les jeunes galaxies qui seraient alors plus lumineuses à cause de cela plutôt que grâce à leur masse. Mais c’est faire fi du rasoir d’Ockham. Privilégions l’explication le plus simple : que ces galaxies soient lumineuses parce qu’elles sont grosses ! »

Le débat est plus que vif entre les tenants de la matière noire et ceux de Mond. « Le fait est que Mond avait prédit que des galaxies massives se formeraient à un redshift élevé, alors que le paradigme de la matière noire ne l’a pas fait. Tout le reste n’est que querelles de détails dans une note de bas de page », assène Stacy McGaugh.

Affaire à suivre…

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