La valeur haute de la constante de Hubble reprend l’avantage

La vitesse d’expansion de l’Univers n’en finit pas d’alimenter les débats entre cosmologistes. La constante de Hubble, qui la mesure, vaut-elle 67 ou 75 km/s/Mpc ? Dernier rebondissement en date : la seconde valeur reçoit l’appui de l’amas de galaxies de Coma.

La constante de Hubble H0 indique à quelle vitesse l’Univers s’étend. Mais quelle est sa valeur ? Depuis quelques années, deux mesures de Hs’affrontent sans que l’on ne sache laquelle choisir. D’un côté, en considérant des surpernovas, des étoiles ayant explosé jusqu’à il y a environ 3 milliards d’années-lumière, on trouve qu’elle vaut dans les 75 km/s/Mpc. Autrement dit : à chaque seconde, chaque mégaparsec d’Univers grandit de 75 km sous l’effet de l’expansion (1 mégaparsec, ou Mpc, égale 3,26 millions d’années-lumière). De l’autre, en considérant le rayonnement de fond cosmologique observé par le satellite Planck, la première lumière émise librement 380 000 ans après le big bang, on trouve que H0 serait plutôt de 67 km/s/Mpc.

Une mesure sur l’amas de Coma

Une nouvelle étude utilisant cette fois la distance à l’amas de Coma vient de trancher en faveur de la première valeur, et mieux encore, elle est en désaccord avec la seconde. « Il s’agit là d’une autre preuve que l’échelle qui nous permet de calculer les distances des étoiles les plus proches aux galaxies lointaines donne une valeur de H0 en désaccord avec celle obtenue pour l’Univers primitif lorsqu’on le suppose décrit par le modèle standard de la cosmologie », tranche Licia Verde, de l’université de Barcelone.

L’amas de Coma regroupe environ un millier de galaxies. Il est relativement proche, à l’inverse des supernovas cosmologiques (c’est-à-dire lointaines) ou du rayonnement de fond cosmologique qui ont jusqu’ici servi à calculer la constante de Hubble. Il n’y a donc pas besoin d’un modèle de l’Univers comme le modèle standard avec sa matière noire et son énergie sombre pour l’étudier. Proche à quel point ? Pour l’instant, on ne vous dit rien, car c’est justement ce qui va faire toute la différence entre les deux valeurs concurrentes de la constante de Hubble.

L’affaire commence en 2024. La collaboration Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI) parvient, en observant plusieurs milliers de galaxies elliptiques, à établir une relation entre leur rayon (plus précisément celui enfermant la moitié de leur luminosité), la dispersion des vitesses de leurs étoiles, leur brillance de surface et la constante de Hubble, le tout calibré à partir de la distance à l’amas de Coma. DESI trouve alors que H0 vaut 76,05, à plus ou moins 5 près ! Pas très précis donc. La faute à la distance à l’amas, d’où vient la plus grande part des barres d’erreur !

Aussi, l’équipe de Daniel Scolnic (université Duke, États-Unis) et son équipe ont décidé d’améliorer la précision sur cette distance en trouvant des supernovas de type Ia dans l’amas de Coma. Ces explosions stellaires sont considérées comme des « chandelles standards », car leur luminosité absolue est toujours la même. En comparant celle-ci avec leur luminosité apparente, on en déduit donc leur distance.

Coma contre le rayonnement de fond

Plongeant dans des catalogues d’étoiles, ils y ont trouvé 12 supernovas étudiées avec précision. Comme elles appartiennent toutes à l’amas de Coma, elles doivent toutes avoir à peu près la même magnitude apparente et, comme elles sont 12, c’est comme avoir 12 chances d’évaluer la distance à l’amas et de réduire les incertitudes statistiques sur sa mesure. Daniel Scolnic et ses collègues ont ainsi estimé que la magnitude apparente de ces supernovas se situait autour de 15,7.

Les astronomes se servent de la mesure la plus précise connue de la magnitude absolue d’une supernova de type Ia, autour de –19,2. Ils en déduisent une distance de l’amas de Coma de 98,5 Mpc, qui leur permet d’obtenir une valeur de la constance de Hubble de 76,9, à plus ou moins 2 près.

« Mais on peut aussi faire l’inverse : prendre une valeur de H0 pour calculer la distance à l’amas », explique Daniel Scolnic. Et là, si l’on choisit la valeur pour H0 de 67 trouvée avec le rayonnement de fond cosmologique, on obtient pour l’amas une distance de 111,8 Mpc ! Or, de nombreuses autres méthodes de détermination de cette distance sont en accord avec une distance moyenne de… 95 Mpc !

La valeur basse de la constante de Hubble trouvée avec le rayonnement de fond semble donc exclue au contraire de sa valeur haute ! « Je ne dirais pas que c’est définitif, mais les preuves sont très solides que la prédiction de Planck est incorrecte », nuance Daniel Scolnic. Quant à la méthode, « c’est une manière ingénieuse et nouvelle d’ajouter un barreau à l’échelle des distances. Elle s’accorde avec les autres barreaux, ce qui confirme que l’échelle n’est pas bancale », apprécie Licia Verde.

Comment interpréter ces résultats ? « Dur à dire, mais cela signifie probablement que le modèle standard de la cosmologie doit être corrigé », avance prudemment Daniel Scolnic. Pour s’assurer de la robustesse de ce résultat, la même méthode pourrait être appliquée à d’autres amas. « Nous pourrons répéter cette approche et faire encore mieux, assure Daniel Scolnic. De plus, de nombreuses équipes tentent maintenant de mesurer à nouveau la distance à l’amas de Coma, car elle est désormais au centre de la tension sur la valeur de la constante de Hubble », conclut l’astronome.

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