Ces explosions cataclysmiques sont aussi de véritables forges cosmiques à l’origine de nombreux éléments lourds qui constituent notre monde.
Des immenses galaxies aux trous noirs à l’âge canonique, le James Webb Space Telescope a l’habitude d’observer des paysages cosmiques fabuleux. Mais récemment, il s’est retrouvé en première loge d’un spectacle à la fois grandiose et beaucoup plus dynamique qu’à son habitude : il a récemment observé sa toute première kilonova.
Ces phénomènes commencent avec des étoiles à neutrons.
Ces objets qui apparaissent lorsqu’une étoile massive arrive à court de carburant. Incapable d’entretenir ses réactions thermonucléaires qui l’animent, son cœur s’effondre alors sur lui-même sous l’effet des forces gravitationnelles. Cela donne lieu à une explosion cataclysmique connue sous le nom de supernova. La masse se retrouve alors soumise à des forces de compression dantesques. Cela a pour effet d’agglomérer la majorité des particules restantes sous forme de neutrons — d’où leur nom.
On se retrouve alors avec un objet relativement petit, mais très lourd et donc exceptionnellement dense. Seuls les trous noirs sont capables de rivaliser sur ce terrain. Pour référence, les chercheurs estiment généralement que 15 cm3 de ce matériau pèserait environ 10 milliards de tonnes.
Une véritable forge cosmique
Parfois, deux étoiles à neutrons peuvent se retrouver piégées au sein d’un même système binaire.
Elles orbitent donc l’une autour de l’autre (ou plus précisément, autour d’un centre de gravité commun) à une vitesse prodigieuse. Et ce tango cosmique se termine inéluctablement par une collision qui génère une gigantesque explosion parfaitement circulaire; on parle de kilonova.
Ces spectacles intéressent énormément les astronomes. Ces derniers considèrent en effet que c’est lors des kilonovas que naissent certains des éléments les plus lourds de l’univers. On peut citer l’or ou l’uranium, qui ne peuvent pas être produits par les réactions thermonucléaires des étoiles. On parle de Processus R.
L’appareil sur lequel vous lisez cet article, par exemple, ne pourrait pas fonctionner sans le matériel qui a été produit par le processus R lors d’une kilonova il y a des milliards d’années.
Ces événements ont beau être 10 à 100 fois moins violents que les supernovas cataclysmiques qui surviennent à la fin de la vie d’une étoile, ils font tout de même partie des phénomènes les plus violents du cosmos.
Les kilonovas sont notamment accompagnées de puissants sursauts de radiation gamma (GRB) qui peuvent véhiculer autant d’énergie que le Soleil en produit tout au long de sa vie. Ce sont généralement ces GRB qui trahissent la collision des étoiles à neutrons.
Les éléments lourds au rendez-vous
C’est l’un d’entre eux qui a attiré l’attention des astronomes le 7 Mars dernier. Il a été repéré par de nombreux télescopes simultanément, ce qui a permis de déterminer son origine par triangulation.
Cet événement baptisé GRB 230307A était déjà très impressionnant en lui-même ; c’était le deuxième sursaut gamma le plus intense jamais observé.
Mais ce qui intéressait vraiment les scientifiques, c’était la kilonova qui a produit ce GRB.
L’équipe d’Andrew Levan, un astronome néerlandais, a donc choisi de braquer le James Webb Space Telescope sur la zone en question. Ils ont observé ce spectacle à deux reprises à environ un mois d’intervalle.
Ce délai leur a permis d’observer la transition du bleu au rouge typique des kilonovas, confirmant ainsi la nature du phénomène. Et surtout, ils ont trouvé des traces des éléments lourds qui ont été forgés lors de la collision.
Ils ont notamment identifié la présence de tellure, un métalloïde très rare sur Terre. Ils ont aussi repéré des lanthanides, des métaux lourds qui appartienne à la famille des “terres rares”.
Un processus fondamental dans dynamique de l’Univers
« Ces observations démontrent que la nucléosynthèse qui survient à l’origine des sursauts gamma peut créer une grande variété d’éléments associés au processus R. Cela joue un rôle central dans la synthèse des éléments lourds à travers l’Univers », expliquent les chercheurs dans leur papier de recherche encore au stade de la prépublication.
En d’autres termes, le Webb a apporté une preuve supplémentaire que ces collisions entre cadavres d’étoiles sont des acteurs majeurs du grand brassage du cosmos. Elles contribuent indirectement, mais de manière très concrète à la formation du monde tel qu’on le connaît.
Ce genre d’observations permet donc aux chercheurs d’affiner les modèles qui décrivent la dynamique globale de l’Univers qui nous entoure. Et accessoirement, cela démontre une nouvelle fois à quel point la précision et la polyvalence du James Webb font faire des pas de géants à l’astrophysique.