Moins de deux mois après le passage au plus près du Soleil de la sonde Solar Orbiter, l’Agence spatiale européenne a rendu publiques des images inédites de notre étoile. Le 26 mars, la sonde est passée à « seulement » 48 millions de kilomètres du Soleil environ. Une performance technologique qui permet des avancées très significatives dans la connaissance du fonctionnement du Soleil et jette les bases d’une météorologie spatiale fiable.
« Les images sont vraiment à couper le souffle », déclare David Berghmans, de l’Observatoire royal de Belgique, et chercheur principal de l’imageur dans l’ultraviolet extrême qui prend des images haute résolution de la couronne solaire. C’est dans ces termes que débute le communiqué de presse de l’Agence spatiale européenne (ESA) qui présente les premiers résultats et données du passage de la sonde Solar Orbiter au plus près du Soleil. Lancée en février 2020, la sonde a effectué son premier périhélie rapproché le 26 mars dernier à seulement 0,32 UA, soit environ 48 millions de kilomètres.“ Les images sont vraiment à couper le souffle
L’enthousiasme de David Berghmans est compréhensible. Lors de ce passage, les 10 instruments embarqués ont enregistré des données inédites et la sonde a acquis des vues imprenables des pôles solaires ainsi qu’un curieux « hérisson » qui s’étend sur 25.000 kilomètres et présente une multitude de pics de gaz chauds et froids dans toutes les directions. Après les feux de camp solaires, l’équipe de l’imageur dans l’ultraviolet extrême a trouvé un mot plutôt surprenant pour qualifier un phénomène solaire.
Tout l’enjeu pour les scientifiques de la mission va être de croiser les données des instruments de télédétection (observation à distance de l’activité du Soleil) et les données des instruments in situ qui analysent l’environnement de la sonde où les flux de particules solaires arrivent. Dit autrement, faire le lien entre ce que la sonde voit et ce que la sonde « ressent ».
La mission Solar Orbiter n’est pas encore terminée que déjà on peut dire que les objectifs scientifiques seront remplis. Lorsque la sonde est lancée en 2020, le but est de mieux comprendre l’étoile avec laquelle nous vivons, en donnant un aperçu inédit sur son fonctionnement et la façon dont elle affecte l’environnement spatial autour de la Terre et au-delà. Son principal objectif est de mieux comprendre le lien entre le Soleil et l’héliosphère, cette zone en forme de bulle allongée constituée par les vents solaires, plasma de particules chargées émis en permanence par le Soleil. Ces succès scientifiques sont aussi des succès technologiques. Car s’approcher aussi près du Soleil et le regarder directement s’apparentait à un pari technologique inédit lors de la conception de la sonde.
Et là aussi, le pari est gagné. En s’aventurant à seulement environ 48 millions de kilomètres du Soleil, Solar Orbiter s’est exposée à des températures avoisinant les 500 à 600 °C ! Bien protégés par le bouclier thermique de la sonde, tous les instruments ont pu fonctionner normalement. Ce périhélie rapproché du 26 mars est un véritable succès pour la mission Solar Orbiter, confirme Desi Raulin, chef de projet Solar Orbiter, au Cnes : « les scientifiques français sont très contents du résultat car ils ont pu engranger énormément de données. Tous les instruments fonctionnent parfaitement. C’est un véritable soulagement que la sonde spatiale ait acquis autant de données via ses instruments et avec une telle qualité de résolution ».
Jeter les bases d’un système fiable et précis capable de prédire les phénomènes solaires
Solar Orbiter a aussi pour but de contribuer à la création d’une véritable météorologie spatiale. Et là aussi le pari est gagné. En combinant les données de tous les instruments de la sonde, les scientifiques sont en mesure de comprendre le fonctionnement de l’activité solaire depuis la surface du Soleil jusqu’à Solar Orbiter et au-delà. Cette connaissance est exactement ce qui ouvrira la voie à un futur système destiné à prévoir les conditions météorologiques spatiales sur Terre en temps réel. À l’approche du périhélie, Solar Orbiter a même eu un aperçu du fonctionnement d’un tel système !
Le 10 mars, une éjection de masse coronale a traversé la sonde. Son magnétomètre à bord a permis de prédire qu’elle allait frapper la Terre plusieurs heures plus tard. L’annonce de cette nouvelle sur les médias sociaux a permis aux observateurs du ciel de se tenir prêts pour l’observation d’aurores, qui se sont produites environ 18 heures plus tard, à l’heure prévue.
Cette expérience a donné à Solar Orbiter un aperçu de ce qu’est la prévision en temps réel des conditions météorologiques spatiales sur Terre. Une telle entreprise devient de plus en plus importante en raison de la menace que représente la météo spatiale pour la technologie, pour l’activité humaine en orbite basse et les futures missions d’explorations lunaires et martiennes.
Solar Orbiter conforte l’intérêt de Vigil. Cette mission de l’Agence spatiale européenne sera lancée à l’horizon à 2025 à destination du point de Lagrange numéro 5. Depuis cet emplacement, Vigil sera en mesure d’étudier tous les évènements solaires extrêmes et imprévisibles avant même qu’ils ne soient perceptibles de la Terre, tels que les éruptions solaires et les « éjections de masse coronale », et avant qu’ils ne l’atteignent.
Ce périhélie a donc été un énorme succès et a généré une grande quantité de données. Et comme le précise l’ESA, ce n’est qu’un avant-goût de ce qui est à venir ! En octobre, la sonde s’approchera encore plus du Soleil, à seulement à 0,29 fois la distance Terre-Soleil.