En 2024, la discrète étoile de la Couronne Boréale n’a pas explosé en nova, comme les astronomes s’y attendaient. Mais l’événement doit bien avoir lieu. Une bonne raison pour continuer à surveiller l’étoile, à l’œil nu, aux jumelles ou au télescope.
Une étoile éphémère, facilement visible à l’œil nu aurait dû apparaître dans la constellation de la Couronne boréale entre le printemps et l’automne 2024. C’était en tout cas ce que les astronomes avaient prédit.
T Coronae Borealis (T CrB) est bien connue depuis de nombreuses décennies comme une nova récurrente, autrement dit une naine blanche qui aspire de la matière d’une étoile voisine et dont la surface explose. Cet événement est censé arriver tous les 80 ans. Il devait se traduire en 2024 par un sursaut lumineux de plusieurs magnitudes. Or, rien ne s’est produit.
Un précédent en 1946
« Les différentes prévisions pointaient sur l’année 2024. Nous sommes donc après la période la plus probable », reconnaît Bradley Schaefer, astronome à l’université de Louisianne (États-Unis), spécialiste de la question. Avant d’ajouter : « Cela n’est gênant car tout le monde avait souligné que les incertitudes étaient importantes. La raison en est que nous n’avons qu’un seul précédent (à partir de 1946) quant au calendrier des événements avant l’éruption de la nova (comme l’état élevé puis le creux pré-éruption ; voir graphe ci-dessous). Donc on présume que les événements en 2025 et avant se dérouleront selon un calendrier similaire, ce qui est aisément incertain à environ un an près. »

Explosion assurée
Alors, T CrB va-t-elle exploser, oui ou non ? Pour Bradley Schaefer, cela ne fait aucun doute : « Aujourd’hui encore, tout le monde est certain qu’une éruption de T CrB est imminente. T CrB deviendra une nova n’importe quelle nuit. Maintenant, ou dans n’importe lequel des mois qui viennent. »
C’est la raison pour laquelle il ne faut pas perdre patience et continuer à l’observer, nuit après nuit. Même heure après heure : « Le monde de l’astronomie doit garder le doigt sur la gâchette. L’éruption de T CrB s’annonce très rapide : l’augmentation complète ne prendra que quelques heures, le pic ne durera qu’une journée et l’observation à l’œil nu ne durera qu’une semaine. Cela rend très importante une notification rapide de l’éruption lorsqu’elle commence », souligne l’astronome.
Selon l’AAVSO (Association américaine des observateurs d’étoiles variables), les raies spectrales en émission de l’astre sont ces derniers mois plus intenses que précédemment. « Cela signifie que la température du disque d’accrétion de gaz autour de la naine blanche est plus chaud ou qu’il est plus étendu, ou les deux. Dans tous les cas, c’est qu’il y a plus de matière dans le disque », précise Miguel Montargès, astronome adjoint à l’observatoire de Paris-PSL, spécialiste des étoiles évoluées.
Qui dit accumulation de matière, dit augmentation de la masse à la surface de la naine blanche. Or, la nova survient quand une masse critique est atteinte. Nul doute qu’elle sera atteinte bientôt. Mais quand ? Tout dépend du rythme auquel la matière chute sur l’étoile. Ce qui est impossible à prévoir avec précision.
Parallèlement, depuis un an, l’astre brille plus dans l’ultraviolet proche et le bleu, autre signe d’une augmentation de température.
L’importance des astronomes amateurs
Il faut donc surveiller T CrB comme le lait sur le feu. Il n’y a évidemment pas assez d’observatoires professionnels mobilisables en permanence pour une telle surveillance. D’où la nécessité que les amateurs s’en mêlent.
Cette communauté représente une véritable armée à travers le monde. Bradley Schaefer le rappelle : « Grâce aux astronomes amateurs, T CrB a été contrôlée en moyenne une fois toutes les 6 minutes en 2024 ! »
Après un passage en conjonction solaire, T CrB est de nouveau observable depuis le début de l’hiver. En ce début mars 2025, l’étoile se lève aux alentours de 22 h (21 h TU). Quand on sait qu’il ne lui faudra que 6 heures pour atteindre son pic de luminosité, cela laisse désormais une large plage au cours de la nuit pour guetter toute augmentation de magnitude.
T CrB bien observable
Les cartes ci-dessous vous indiquent la position de la Couronne boréale, voisine du Bouvier et de sa brillante Arcturus, ainsi que celle de T CrB au sein de cette petite constellation. Hors éruption, T CrB brille d’une modeste magnitude 10 ou 9. Il faut donc un télescope pour la voir.
Mais il est malgré tout possible de vérifier son éclat à l’œil nu ou aux jumelles dans la mesure où son augmentation en phase de nova devrait la porter à la magnitude 2, grossièrement celle d’Alkaïd, l’étoile qui matérialise le bout du manche de la Grande Casserole (la Grande Ourse). Il est aussi possible d’effectuer un suivi photographique.


Bref, surveillez T CrB. Il se fait attendre mais le spectacle attendu aura lieu. Et n’importe qui peut en être le témoin. Un peu d’assiduité reste le meilleur moyen d’avoir cette chance.